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Népal International Biodiversity Expedition du 09 au 26 Novembre 2022

Troisième expédition dans les Chepang Hills, ayant pour but d'établir une base de données naturaliste solide afin d'aider à faire protéger la zone. Voir descriptif détaillé

Népal International Biodiversity Expedition du 09 au 26 Novembre 2022

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Le Journal de Bord

Nepal International Biodiversity Expedition - Novembre 2022

Troisième expédition dans les Chepang Hills, pour faire un inventaire de biodiversité et définir la zone à protéger

Mercredi 9 novembre 2022

18h - Voilà toute l’équipe réunie à la Yellow House. Tout le monde est arrivé la veille mais ce n’est qu’aujourd’hui qu’on se retrouve tous. Nous nous installons au restaurant Gaïa, après une petite marche de 5mn dans le quartier de Thamel, pour discuter et faire connaissance. Sylvain et Catherine expliquent l’origine du projet IBEX Népal, et les enjeux actuels qui nous poussent à redoubler de motivation pour faire avancer le projet. Surtout qu’avec les circonstances compliquées liées au Covid, il n’y a plus eu d’expédition depuis mars 2020 et tout a donc été mis en pause. Malheureusement, le projet de route qui menace la forêt des Chepang Hill est toujours d’actualité, et il faut donc rapidement réagir pour convaincre le nouveau gouvernement en place de l’importance de préserver cette zone de forêt subtropicale, particulièrement riche. On discute aussi globalement du programme à venir, et on se régale des plats commandés. Demain, nous quitterons déjà Kathmandu pour rejoindre Chitwan, donc on ne traîne pas longtemps après le repas et tout le monde va vite se coucher.

Jeudi 10 novembre 2022

6h – Nous voilà tous debout, les sacs sur le dos, prêts pour aller prendre le bus, à 5mn à pieds de l’hôtel. Une fois les sacs chargés, nous prenons le temps de boire un thé/café, accompagné pour ceux qui ont déjà faim de viennoiseries et fruits. A 7h nous voilà partis. Il nous faudra quelque 5h de route pour arriver à destination. Dur de dormir tant la route est chaotique, mais on n’a pas le temps de s’ennuyer car la route est densément animée : les étalages ici et là de marchandises, les enfants qui jouent, les klaxons qui n’en finissent pas ... et après les embouteillages de sortie de Kathmandu vient la campagne : les cultures en étage, les cahutes de bord de route, les bananiers, les chèvres, poules et chiens qui errent sur les trottoirs ou au milieu de la route ...le paysage est souvent magnifique ! A 10h c’est déjà la pause déjeuner ! On arrive finalement vers 13h au Chitwan Gaïda Lodge, à Sauraha. Tika, le propriétaire de ce charmant hôtel, initiateur et parrain de notre projet dans les Chepang Hill, nous accueille les bras grands ouverts. Autour d’un jus d’orange frais, installés dans le jardin très agréable de l’hôtel, il nous donne les dernières nouvelles concernant le projet de route dans les Chepang. Le gouvernement local ayant changé, il est effectivement de nouveau question de continuer cette fameuse route (qui avait été mise en suspens il y a 2 ans suite aux actions et pressions des divers acteurs (dont notre ONG) qui s’y opposent. Tika fait partie des quelques 5 meilleurs ornithologues du pays, et est très investi dans cette lutte contre la route afin de préserver la biodiversité incroyable des Chepang Hill, et notamment la petite population subsistante de Garrulaxes à ailes rouges Liocichla phoenicea, connus uniquement ici au Népal. Pendant notre discussion, Tika nous pointe régulièrement du doigt des oiseaux incroyables ici et là qui passent dans le jardin. On a grand plaisir à observer ainsi une petite troupe de Calaos pie Anthracoceros albirostris, de gros oiseaux au bec énorme ainsi que des Barbus rayés Psilopogon lineatus qui se régalent de fruits dans les figuiers !
On apprend aussi que le jardin de l’hôtel a du être en partie réaménagé suite à la visite de 3 rhinocéros le mois dernier. Cela arrive 2 à 3 fois par mois que des animaux de la jungle se retrouvent dans l’enceinte de l’hôtel, et irrémédiablement causent des dégâts. Nous sommes donc mis en garde et informés sur les particularités locales et attitudes à avoir vis à vis de la faune sauvage (à priori, pas de danger si l’on reste vigilant, en tout cas nettement moins que de marcher dans Kathmandu au milieu des motos par exemple, ce qui pourtant se trouve être le quotidien la-bas). On apprend ainsi que 3 éléphants sauvages rodent dans le coin, et que chaque jour les locaux se passent le mot pour savoir où ils se trouvent et ainsi éviter de croiser leur chemin. Celui qui erre pas loin de notre hôtel a été nommé Ronaldo par les locaux ! Il y a aussi 2 tigres qui ont malheureusement été mis en cage il y a quelques semaines car ils se sont montrés agressifs envers l’homme. Or, les népalais n’aiment pas tuer, mais ils ne peuvent pas se permettre de relâcher ces tigres puisqu’ils sont dangereux pour l’homme. Ils restent donc en cage et on peut les entendre hurler parfois. La discussion nous a donc déjà bien immergés dans le monde de la jungle.
Après installation dans les chambres et petit temps au calme, nous partons nous balader dans les alentours le long de la rivière Rapti. C’est ainsi que nous démarrons nos premiers entraînements à l’utilisation des jumelles, et à l’identification des oiseaux avec le livre « Guide des oiseaux du Népal » qui répertorie tous les oiseaux du pays, avec dessins et descriptions/répartition pour chaque espèce. On en a plein la vue ! Après avoir passé 2 jeunes rhinocéros, nous voyons ainsi nos premiers Martins tristes Acridotheres tristis, Bulbuls à ventre rouge Pycnonotus cafer, Drongos royaux Dicrurus macrocercus, Martin-chasseurs de Smyrne Halcyon smyrnensis… et des oiseaux qu’on ne verra qu’ici en plaine tels que des Marabouts chevelus Leptoptilos javanicus (des échassiers de la famille des cigognes, rares et classés vulnérables au niveau mondial), Guêpiers d’orient Merops orientalis, Tadornes casarca Tadorna ferruginea … puis la balade se termine avec l’observation de Cerfs axis Axis axis, de Macaques Rhésus Macaca mulatta, de crocodiles des marais Crocodylus palustris et Gavials du Gange Gavialis gangeticus !
Après un rapide retour à l’hôtel, nous nous retrouvons sur un restaurant de bord de plage pour discuter du programme des jours à venir et nous régaler de plats locaux, les pieds dans le sable, confortablement installés dans nos chaises longues.

Vendredi 11 novembre

Petit déj à 6h30 ce matin dans le jardin de l’hôtel. Nous partons pour une randonnée sur 2 jours dans le Parc National de Chitwan, accompagnés de 2 guides ornithologues, Bishnu et Orzu, afin de nous former à la reconnaissance des oiseaux de la région, tout en profitant de découvrir l’incroyable univers de la jungle de Chitwan. Chitwan veut littéralement dire en népalais « le coeur de la jungle ».
On nous met de nouveau en garde des rhinocéros, tigres et éléphants sauvages que nous pourrions croiser, les guides sont là pour assurer notre sécurité mais il faut tout de même rester vigilant, et rester par exemple groupés et attentifs à tout instant.
Après avoir passé la rivière en pirogue, nous nous mettons doucement en marche car les oiseaux sont partout et qu’on ne cesse de s’arrêter pour les observer. Un rhinocéros retient notre attention pendant un moment mais il reste caché dans les hautes herbes, si bien qu’on ne voit que les remous de la végétation. A un moment, Bishnu nous emmène hors sentier pour observer un oiseau magnifique dont il a entendu le chant : le Trogon à tête rouge Harpactes erythrocephalus. Bishnu a un don pour attirer les oiseaux en les imitant ou en imitant d’autres oiseaux afin de les faire réagir ou de les exciter. Le Trogon, attiré par Bishnu vient alors se poser juste à côté de nous et on peut à loisir le prendre en photo et l’admirer.
Nous pique-niquons un peu plus tard, en haut d’un poste d’observation de la faune. Nous avons chacun des barquettes de riz cuisiné aux petits légumes, ainsi que des beignets de légumes frits. Puis nous reprenons la marche, nous avons en tout 18 km. Normalement, nous devions en faire nettement moins, mais la première partie de la randonnée qui devait se faire en pirogue a du être annulée, car cette activité a cessé depuis l’arrivée du Covid. Nous trouvons des traces magnifiques d’ours et de tigres, bien imprimées dans la boue, et qui nous paraissent énormes, nous croisons plusieurs fois des singes, des Bec-ouverts Anastomus oscitans proche d’un étang...
En fin de journée, nous nous extasions devant les couleurs rougeoyantes du soleil, et les lumières dorées du soir sur la végétation luxuriante de la jungle. Nous tombons à pic pour voir un rhinocéros unicorne Rhinoceros unicornis rentrer paisiblement dans un lac avec des Jacanas bronzés Metopidius indicus marchant sur les lenticelles à côté de lui, une vraie scène du livre de la jungle ! Nous traversons de nouveau en pirogue la rivière Rapti pour arriver dans le petit village de Ghatgain, juste à la tombée de la nuit. L’arrivée dans le village se fait par une petite échelle toute frêle, pour quitter le rivage et rejoindre le niveau des maisons, plutôt drôle.
Nous sommes tout de suite accueillis, autour d’un thé, smoothies pour certains, et avec la belle vue sur la rivière. C’est alors que des chacals dorés Canis aureus se mettent à hurler en cœur. La dame qui nous loge ce soir s’empresse de chercher une lampe torche, et de la pointer vers les hurlements. Ils sont juste là, sur les bords de rive, on les voit parfaitement bien, ils sont une grosse dizaine, jeunes et adultes mélangés, c’est fascinant. Après ce beau spectacle, on s’installe et nous nous retrouvons un peu plus tard pour le dîner. Nos aurons encore 2 ou 3 fois l’occasion d’entre les chacals hurler en cœur dans la soirée puis dans la nuit ! Même dans la nuit, nous arriverons à voir à la lampe torche un rhinocéros au loin, des cerfs axis et encore des chacals.


Samedi 12 novembre 2022
Petit-déjeuner à 7h, nous avons presque tous choisi des pancakes à la banane, miam, cuites au feu de bois. Nous attendons que le brouillard se dissipe en préparant tranquillement nos sacs, puis nous reprenons la rando, cette fois du côté de la forêt communale. Toujours, beaucoup d’oiseaux, mais pas mal de sangsues aussi ! Apparemment cette année la mousson s’est finie un mois plus tard que d’habitude, si bien que le sol est encore souvent humide, et donc propice aux sangsues. Celles-ci sont inoffensives puisqu’elles ne transmettent aucune maladie, mais ça n’en reste pas moins désagréables lorsqu’on en voit une grimper sur la chaussure, prête à mordre (par contre, quand ça mord on ne sent rien du tout, c’est juste désagréable de la voir là, et de devoir la retirer. ) Qu’à cela ne tienne, notre groupe fait face et se met à ausculter le sol attentivement pour éviter l’ascension sur les chaussures. La rando est particulièrement belle aujourd’hui car nous parcourons de plus petits sentiers, assez peu utilisés. La plupart des touristes (essentiellement du tourisme local ; népalais et parfois des indiens) ne se déplacent qu’en jeep dans le Parc, sur les grosses pistes.
La marche est plus courte aujourd’hui. Parmi les belles observations, nous voyons plusieurs Drongos à raquettes Dicrurus paradiseus. Ces oiseaux ont une queue immense, qui fait comme 2 longues tiges terminées par des ovales, un peu comme des raquettes quoi. Nous rencontrons des éléphants domestiques, mais aussi Ronaldo, le fameux éléphant sauvage qui se balade en ce moment dans le coin et que les locaux surveillent chaque jour pour éviter de se retrouver sur son chemin ! Heureusement pour nous, c’est au loin au milieu de la rivière que nous l’observons depuis un point de vue entre les arbres sur la rive. Nous prenons le pique-nique un peu plus loin sur un bord de rive qui surplombe la rivière, et depuis laquelle nous pouvons voir 5 crocodiles et 5 gavials ! Pendant la pause post-prandial, Sylvain nous fait une introduction à la botanique : nous apprenons ainsi que toute plante peut se décrire à partir de 4 éléments : racine - tige – feuille - bourgeon (lequel se situe toujours à l’aisselle de la feuille), ainsi les fleurs correspondent par exemple à des feuilles modifiées du point de vue de l’évolution. Grâce à ce raisonnement, nous pouvons plus facilement déterminer si une feuille est simple ou composée, en observant où se trouvent les bourgeons dans la plante. A partir d’un rameau de « Sal tree » (Shorea robusta), nous commençons à observer et à décrire avec les termes de vocabulaires botanique. Et nous savons ensuite tous bien reconnaître cet arbre grâce au temps qu’on a passé à le décrire. Nous reprenons une courte marche et arrivons en milieu d’après-midi à notre destination finale, au niveau d’un pont qui nous permet de traverser la rivière de nouveau. A cet endroit, c’est le bain de foule car il y a un centre pour les éléphants qui attire beaucoup de tourisme local. On en profite pour acheter du miel à un petit stand installé là. Puis notre jeep vient nous chercher pour nous ramener à l’hôtel où le temps de pause est bien apprécié de tous. Nous racontons notre petit périple à Tika autour d’un thé. Le soir, nous retournons à un restaurant de bord de plage. En attendant d’être servis (car le temps d’attente est souvent long), nous faisons une petite synthèse des gros groupes d’oiseaux que nous avons appris à reconnaître ces deux derniers jours.

Dimanche 13 novembre 2022

C’est le grand jour !
Après un petit déjeuner au soleil, notre jeep vient nous chercher un peu avant 9h, pour nous amener au pieds des collines Chepang. Pendant le trajet, nous révisons nos connaissances nouvellement acquises en identifiant « presque » tous les oiseaux perchés sur les fils électriques et toits des maisons. Les deux jours dans la jungle nous ont bien fait progresser, tout le monde reconnaît sans problème les drongos, oiseaux noirs à la queue fourchue, les minivets aux couleurs jaune ou rouge éclatantes, les martins tristes avec leurs 2 grosses taches blanches sur les ailes en vol ...Nous faisons un stop pour acheter des fruits et légumes, qui nous serviront pendant nos 3 jours de bivouac où nous serons en autonomie pour la nourriture. Les autres jours, nous seront toujours chez l’habitant. Rupen, notre guide qui nous accompagnera pendant tout le séjour dans les Chepang nous rejoint aussi à ce moment-là. Arrivés en bas des collines, nous retrouvons les porteurs qui nous aident à emmener là-haut tout le matériel commun de camping et scientifique. Ils habitent tous les 5 à Gadhi, et sont enchantés de venir nous aider, ce qui leur change des activités habituelles aux champs.
Nous prenons un rythme pour la première partie en montée plutôt raide, lentement mais sûrement. Et nous arrivons finalement assez vite à notre lieu de pique-nique, endroit où l’écureuil noir géant a souvent été vu aux expéditions précédentes. Ce ne sera malheureusement pas notre cas, mais nous observons par contre magnifiquement bien un Eurylaime psittacin Psarisomus dalhousiae et un Barbu à gorge bleue Psilopogon asiaticus. Une fois repus, nous repartons et le paysage est extra, nous avons de plus en plus de vue sur les versants de colline qui nous entourent, avec par endroits de la forêt quasi primaire, à d’autres des cultures en étages et des cahutes traditionnelles en terre rouge. On profite des points de vue pour cartographier à la vue les secteurs de forêt, que nous reportons ensuite sur la carte imprimée. En milieu d’après-midi, on finit par rejoindre une route en terre, qui détruit le petit sentier qui existait avant. Nous constatons l’ampleur des dégâts créés sur la végétation (et donc sur la faune par ricoché). Celle-ci a été construite il y a 4 ans maintenant. On se demande quel est l’intérêt de construire dans des paysages aussi abruptes de telles routes, lorsque les locaux n’en n’ont pas l’usage puisqu’ils n’ont même pas l’électricité, et donc encore moins un véhicule pour circuler sur ces énormes pistes...Bon, heureusement, nous ne parcourons pas plus d’1km dessus et nous retrouvons finalement un sentier pour finir notre randonnée, et qui nous offre de nouveaux de magnifiques spectacles de paysages sur soleil rougeoyant, avec au premier plan des champs tout rose de sarrasin fleuris. Nous nous amusons à regarder un Macque d’Assam Macaca assamensis qui dévale une crête, apeuré par les locaux qui le font fuir. Nous arrivons au village de Gadhi vers 15h30. Il se trouve que c’est la grande fête sur place en l’honneur d’un festival religieux spécifique du peuple Chepang. Les habitants du village dansent en musique sur le petit carré d’herbe à côté de notre hébergement, et nous convient à la fête. Le temps de poser les sacs, et hop, nous voilà parmi eux à imiter leurs gestes et mouvements comme on peut. Le moment est vraiment chouette, on ne peut pas se sentir plus immergés, loin de toute référence connue, et tout ça sur le coucher de soleil incroyable. On a tout juste le temps de chacun prendre sa douche (une douche au sceau et l’eau froide ! Vivifiante !) Puis c’est l’heure du Dal Bhat ! Ce fameux plat que nous mangerons quotidiennement pour toute la suite de l’expédition. Eh bien on se régale ! Et on finit avec une noix de coco, qui nous avait été offerte par les vendeurs de légumes ce matin. On prend ensuite le temps de choisir le programme du lendemain, que nous choisissons à la cool, pour pouvoir récupérer de nos 3 jours de marche, et prendre le temps de bien dormir.

Extrait du journal de Nils
On les aperçoit enfin : les Chepang Hills, dans lesquelles nous passerons les dix prochains jours à recenser les oiseaux et identifier les plantes. Notre ascension ne restera pas dans les annales de l’himalayisme, mais les 870 mètres de dénivelé positif nous éreintent et trempent nos tee-shirts aussi efficacement qu’un trail dans les Annapurna. L’effort constant n’amoindrit pas pour autant l’émerveillement que nous procure la découverte de ce morceau de Népal perdu. Par des chemins tortueux parfois à peine visibles sous un tapis de fougères et de plantes invasives, nous gravissons les collines couvertes d’une végétation luxuriante. Nous parcourons leurs versants abrupts, suivons sur leurs flancs escarpés sur des sentiers étroits comme des cordes à linge jusqu’à atteindre la crête. De l’autre côté du vallon on aperçoit les cultures en terrasse du millet et du sarrasin. Une route en construction, à l’initiative de quelque politicien en quête de gloriole, a tranché ce paysage comme un hachoir, y laissant une entaille profonde. Les collines sont désormais marquées de la cicatrice hideuse d’un développement urbain inconsidéré. Depuis la crête, la vision fantasmagorique de collines fantomatiques noyées dans la brume s’offre à nous. Le soleil rougeoyant semble se dissoudre dans cette brume énigmatique bien avant de disparaître derrière les sommets.
A notre arrivée à Gadi, nous sommes accueillis par une ambiance festive et joyeuse. Après une brève initiation aux pas de danse locaux, suivie d’une douche glaciale en compagnie de quelques arachnides, nous dégustons un dal bhat succulent avant de nous coucher au son de la fête qui s’éternise.

Lundi 14 novembre 2022

Le petit déj est un régal : des chapattis (sorte de pains plats) accompagnés de pommes de terre sautées avec des petits légumes, d’œufs durs et de miel, thés et cafés. Après une lessive générale à la bassine pour que les affaires aient le temps de sécher (la nuit tombe vite) , nous partons en exploration sur une crête vers le nord. Nous commençons à remplir nos premières fiches de caractérisation des arbres que nous ne connaissons pas encore, tandis que nous en identifions d’autres grâce à la clé qui a été réalisée par les participants des expéditions d’avant. On apprend ainsi à reconnaître le Gogan, le Maleda ...et nous nommons un nouvel arbre dont il faudra trouver ensuite le nom scientifique. On réalise aussi notre premier protocole habitat, qui consiste à caractériser le milieu dans lequel on se trouve en observant la diversité des arbres et arbustes, et à nommer les 3 espèces principales, ainsi que la hauteur moyenne de la canopée (que l’on mesure à l’aide d’un télémètre laser). Nous testons aussi un protocole dont le but est de caractériser la qualité de la forêt. A partir de 7 critères typiques d’une forêt primaire (présence d’arbres morts debout, abondance d’épiphytes, diversité des strates etc), on estime ainsi si la forêt est plus ou moins dégradée par rapport à une forêt primaire selon le nombre de critères vérifiés ou non. Vers midi, de nombreux Aigles des steppes Aquila nipalensis (classés vulnérables au niveau national, et en danger au niveau mondial) nous survolent et nous voyons à plusieurs reprises un Autour des palombes Accipiter gentilis cerclant au-dessus de nous. C’est la première donnée de cet oiseau dans les Chepang, donc une donnée très intéressante pour le programme. Puis, un habitant de Gadhi nous rejoint, avec le pique-nique porté dans son panier sur la tête. Nous avons du riz sauté aux légumes, avec des œufs et une petite sauce au sésame délicieuse, ainsi que des oranges pour finir le festin. Ici les pique-niques, c’est du tout cuisiné, tout local et bio, un vrai plaisir ! Après une séance d’observation et identification de papillons pendant laquelle on apprend à manier le filet, nous prenons un chemin alternatif pour rentrer au village. A l’heure du dîner, Rupen offre à ceux qui veulent du roxi, l’alcool local, pendant que nous expliquons en détail le protocole sur les oiseaux, que nous utiliserons de nombreuses fois pendant l’expé. Le principe est d’aller d’un point à un autre par un itinéraire précis (ce qu’on appelle un transect), et de noter absolument tous les oiseaux que l’on croise, qu’ils soient vus et/ou entendus. Chacun aura un rôle précis afin d’optimiser l’efficacité du groupe à repérer et éventuellement identifier les oiseaux. On se répartit les rôles pour le lendemain : Rupen et Mathilde seront en tête, à repérer un maximum les oiseaux aux jumelles. Puis Sylvain suivra avec son appareil-photo, puis Nils avec le guide et les fiches de description des oiseaux, puis Céline avec son micro pour enregistrer les cris et chants, puis Mathilde qui rentrera toutes les données sur Obsmapp, et enfin Catherine avec la fiche de données qui détaille toutes les observations faites, photos et enregistrements sonores réalisés et données obsmapp enregistrées.

Mardi 15 novembre 2022

Petit déjeuner à 6h et départ à 6h45 pour démarrer notre premier transect oiseaux de Gadhi vers Chisapani, notre lieu de campement où nous passerons 3 nuits. Le transect dure 3h30 en tout, mais on ne voit pas le temps passer et tout le monde s’approprie vite son rôle. On est très contents de nous. Nous avons déjà de belles données : Un drongo à rames Dicrurus rumifer, première donnée dans les Chepang ainsi qu’un oiseau rare, le Cutie du Népal Cutia nipalensis (statut quasi menacé au Népal). A midi, nous prenons le pique-nique à Chisapani, apporté par les porteurs en même temps que tout notre matériel pour camper pour les 3 jours. Puis nous installons les tentes, filtrons l’eau … L’un des porteurs (qui est donc un habitant de Gadhi) nous parle d’un endroit où des chèvres de montagne viennent boire, qui est à 10mn à pieds. Nous ne connaissions pas l’existence de ces chèvres sauvages dans le coin, et nous avons donc très envie de poser un piège-photos afin de tenter d’obtenir des petits films de leur passage. L’accès pour y aller est raide et très vite complètement dans la végétation dense. Rupen choisit de rester au campement avec Bénilde et Céline (qui en profitent pour remplir une nouvelle fiche de caractérisation d’un arbre que l’on ne connaît pas, le « Chukur » d’après les locaux), tandis que Sylvain, Catherine, Mathilde et Nils suivent le porteur pour installer le piège. C’est l’aventure cet itinéraire dans la jungle, assez vite, on s’est tous équipé de bâtons pour fouetter les orties et plantes qui barrent le chemin. On passe parfois par-dessus un tronc, par-dessous un autre, on s’agrippe dans les pentes raides comme on peut, on se sent tout petit au milieu de cette végétation dense et haute, et qu’est-ce que c’est beau et incroyable d’être là ! Au bout de 30 mn (et non 10mn), nous sommes arrivés sur un tout petit filet d’eau qui sort du sol. Juste là, la végétation est un peu moins dense, et la situation s’avère donc idéale pour poser un piège-photos. Si des animaux viennent boire là, on est sûr de les voir. (Le piège-photo détecte le mouvement et se met à filmer automatiquement pendant 15 secondes, lorsqu’il a détecté le mouvement). Nous revenons beaucoup plus vite qu’à l’aller puisque le chemin est de mieux en mieux frayé avec nos passages. De retour au campement, pour les motivés, on va installer le 2e piège-photos, pas très loin, là où on l’avait déjà posé à la dernière expé. Puis on prépare le dîner sur les réchauds. Au menu, ce sera un dal de lentilles corail au lait de coco accompagné d’une poêlée d’aubergines grillées et de riz, et parsemé à volonté de graines de cumin. On est ravis du résultat ! Comme des nappes de brouillard s’installent et qu’il fait déjà nuit depuis un moment, tout le monde va se coucher très tôt (vers 20h !) avant de trop se refroidir.

Extrait du journal de Nils
Départ de Gadi à 6h30 pour assister au réveil des oiseaux. La raideur du sentier nous fait vite oublier la froideur matinale. Et la magie opère. Les sens en éveil, l’esprit alerte, les yeux et les oreilles grands ouverts, nous guettons les oiseaux, à l’affut du moindre pépiement, d’un mouvement furtif entre les feuilles. Nous enregistrons, observons, recensons, comparons, photographions, compilons les données avec une rigueur d’ornithologue.
Arrivée à Chizapani, petite clairière où se tiendra notre bivouac. Nous établissons ce qui sera notre camp de base pour les trois prochains jours. Reste une mission à accomplir avant la fin du jour : placer des pièges photographiques à des endroits stratégiques pour capturer l’image des créatures de la nuit. Quoi de plus stratégique qu’une source pour observer un animal ? Pour ce faire, suivez le guide qui s’enfonce dans la forêt, descend la pente abrupte comme une falaise, se fraie un passage à la serpe dans une végétation si dense que le sentier, si tant est qu’il eût existé, est invisible à tout autre que ce petit népalais à l’âge indéfinissable. A mesure que la pente se fait de plus en plus raide, la flore de plus en plus touffue, les orties de plus en plus hautes, l’impression de plonger au plus profond du cœur de la jungle se renforce. Tels des spéléologues tropicaux, nous descendons toujours plus bas sur ce flanc de colline presque vertical, manquant de glisser à chaque pas, attentifs à éviter une chute qui nous ramènerait sans aucun doute dans la vallée de Katmandou. L’immersion dans la forêt sauvage est complète. Au terme d’un parcours en équilibre instable, nous atteignons la source, une vague flaque dans la boue. Qu’importe, le chemin comptait plus que le but.

Mercredi 16 novembre 2022

On se lève à 5h30 pour le ptit déj. Avec les premières lumières annonçant le lever du soleil prochainement, on se réchauffe avec le thé et le porridge sur lequel on parsème du muesli croustillant, des fruits et du miel. Puis on part pour réaliser notre 2e transect oiseaux. On rejoint un petit sentier qui longe la crête de Siraïchuli, en se réjouissant des superbes lumières du matin sur la forêt et les fougères arborescentes. Pendant les 3h de transect, on garde presque les mêmes rôles que la veille, il y a juste Mathilde et Nils qui ont échangé les leurs. En fin de transect on prend le temps d’une pause grignotage, et nous sommes survolés par de nombreux Aigles de Steppe, magnifiques juste au-dessus de nous, ainsi qu’un Vautour, sûrement le Vautour de l’Himalaya Gyps himalayensis, qui est lui aussi menacé (statut vulnérable au Népal, et quasi menacé au niveau mondial). On prend le chemin du retour vers le campement, et en chemin on refait un protocole de caractérisation de l’habitat. On s’arrête sur le chemin pour le pique-nique, à l’abri des nappes de brouillard qui ont refait surface depuis ce matin. Chapattis et riz, accompagnés d’avocat, fromages et pesto à tartiner, maïs, thon … les combinaisons sont multiples pour se faire des wraps délicieux ou des salades. Sur le retour, nous croisons un écureuil, puis nous réalisons une nouvelle fiche arbre. Juste avant l’arrivée au campement, nous croisons une habitante de Kaule (où nous irons après-demain), qui est herboriste. Elle nous donne les noms népalais des derniers arbres pour lesquels nous avons rempli une fiche. Super, cela aidera sûrement à les identifier plus tard, lorsque nous chercherons dans les livres de botanique népalais. A l’arrivée au campement, on se fait une pause thé et fruits. On en profite pour goûter le fruit du dragon, ou pitaya, avec sa chair violette vive. Puis nous profitons des derniers rayons du soleil en nous installant sur la crête avec vue splendide sur la vallée. Pendant que Sylvain numérise les dernières données de botanique, Catherine fait une synthèse de tous les derniers oiseaux vus lors des 2 derniers transects.
Pendant qu’une partie du groupe se met ensuite à la cuisine, les autres vont relever le 2e piège-photos qui avait été installé pas loin, pour vérifier que le cadrage est bon. Magnifique surprise, en mettant la carte dans l’ordinateur, on découvre 2 films pris pendant la nuit : l’un avec une civette (ça ressemble un peu à un blaireau) que l’on identifie grâce à notre guide des mammifères à la Grande Civette de l’Inde Viverra zibetha, et l’autre avec un Chat sauvage, qu’on identifie tout de suite comme étant le Chat léopard (typiquement un chat avec des motifs de léopard sur le pelage) Prionailurus bengalensis. La Grande Civette avait déjà été prise en vidéo lors de la dernière expédition à ce même endroit, mais ce n’est pas le cas du Chat léopard, qui constituera donc une chouette nouvelle donnée pour les Chepang Hills.

Extrait du journal de Nils
La nuit venue, nous nous rassemblons autour du réchaud pour déguster notre dîner réconfortant, debout en cercle serré, petite tribu nomade cherchant la protection du feu comme seul rempart à la noirceur de la nuit. Nous mangeons à la lumière de nos frontales, minuscules lucioles dans l’obscurité. Le froid, aussi mordant que les orties de l’Himalaya rencontrées lors des transects, fait fumer nos bouches comme la casserole de riz à nos pieds. Mais l’humour et la bonne humeur sont toujours de mise et tiennent l’inconfort à distance. La nuit est dense comme un trou noir, il est 18h30. A 19h30 nous sommes sous nos tentes à nous équiper pour résister aux assauts du froid. Nos rêves sont peuplés d’animaux et de cris d’oiseaux.

Jeudi 17 novembre 2022

Comme hier, nous nous levons aux aurores pour le ptit déj, et pour démarrer un nouveau transect, cette fois en direction du vallon de Chisapani, à l’endroit même où les Garrulaxes à ailes rouges ont été vus plusieurs fois ces dernières années. Il fait particulièrement froid ce matin, et comme nous nous enfonçons dans le vallon, nous n’avons pas le soleil direct sur nous pour nous réchauffer. L’ambiance sonore et la forêt quasi primaire dans laquelle on s’enfonce donne une dimension magique à ce transect. Cette fois, nous avons pas mal changé les rôles de chacun, et ça marche toujours aussi bien. Nous suivons le cours d’eau, et de temps en temps il faut enjamber des troncs tombés ici ou là. Vers 10h, nous arrivons à la fin du transect, en même temps que les premiers rayons du soleil nous parviennent pour nous réchauffer. Sylvain pense avoir vu un Garrulaxe à ailes rouges mais c’était trop rapide pour en être sûr, et pourtant, il a quand même bien vu un oiseau avec des ailes rouges ... On a vu des colonies de Sibias casqués Heterophasia capistrata, et super bien observé l’Arrenga siffleur Myophonus caeruleus, un oiseau dont on entend souvent le chant le matin tôt, qui donne vraiment l’impression de siffler comme un humain.
Après la pause et le protocole habitat et caractérisation de la forêt, qui a ici toutes les caractéristiques d’une forêt primaire, nous rentrons au campement.
Nous sommes de retour à 12h, et on prend le temps d’un superbe pique-nique avec des salades de quinoa et chapattis, crudités et tartinages pour accompagner. On profite d’un long temps de pause, cafés et thés, repos … Et puis vers 15h, Nils, Rupen, Catherine et Sylvain repartent dans le vallon pour aller y installer 2 enregistreurs automatiques de chants d’oiseaux pendant que les autres se reposent dans les tentes. Nous avons paramétré les enregistreurs pour qu’ils enregistrent tous les jours de 6h30 à 9h et de 16h45 à 17h15. Et ils sont destinés à rester tout l’année sur place. Rupen ira régulièrement relever les cartes mémoire et changer les batteries. Ainsi on se donne toutes les chances de repérer les chants et cris des Garrulaxes à ailes rouges, mais aussi d’établir une belle liste de données pour rendre compte de la diversité des oiseaux présents dans ce coin de forêt quasi primaire (on ne peut pas dire primaire à partir du moment où il y a quand même des passages des locaux et du bétail pour aller boire à la source, mais on ne perçoit aucune trace de l’activité humaine dans le fond de ce vallon). Nous choisissons des endroits discrets et camouflés dans la végétation dont on prend les points GPS pour s’assurer qu’on saura les retrouver.
A notre retour au campement, on se met à la cuisine. Ce soir c’est un riz accompagné de noix de cajou, poudre de coco et légumes.

Extrait du journal de Nils
Ce matin nous descendons doucement dans le vallon en direction de la source de Chizapani. La forêt est froide et humide, les rochers glissants, le sentier sinueux. Et soudain, nous y étions. La jungle, le cœur de la forêt. Une sorte de Jurassic Park népalais. Nous nous trouvions au milieu d’une forêt quasi primaire, intacte, sauvegardée de la folie des Hommes, des Mc Donald’s et des parkings goudronnés des centres commerciaux. Un lieu magique, presque mystique, qui me plongea dans un émerveillement muet. La richesse de la végétation est stupéfiante. Nulle trace, ou presque, d’activité humaine. Un dinosaure aurait pu surgir des fougères, je n’en aurais pas été plus surpris, tant le site semble suspendu hors du temps, évoluant selon son propre rythme. La progression n’est pas aisée, mais il me semble que l’accès à un tel endroit n’est offert qu’au prix de quelques efforts consentis. Je me sens l’âme d’un découvreur dans ce décor sauvage, extraordinaire et préservé. Mais de Garrulax à ailes rouges, le graal de notre expédition, nulle trace. A peine un éclair rouge non identifié, furtivement aperçu par Sylvain.

Vendredi 18 novembre 2022

Ce matin, pas de transect, donc c’est la grasse-mat ! Nous nous offrons un petit déj de luxe car on termine tous les fruits, ce qui donne des mueslis accompagnés de belle couleurs de grenade/banane/fruit du dragon ...Après séchage des tentes, on plie le camp et nous sommes prêts à partir à 10h30. On va tout de même d’abord voir un arbre au fond de la clairière qui nous intriguait. On réalise alors que c’est un arbre dont nous avions déjà réalisé une fiche auparavant, mais nous ne l’avions pas reconnu. Très bien, cela nous permet de compléter la fiche et de compléter le jeu de photos. On ne part donc finalement qu’à 11h du campement, direction Kaule. Nous choisissons de passer par de petits sentiers plus charmants que la grosse piste. Nous prenons notre temps entre les photos, le pique-nique, un protocole habitat et qualité de la forêt ...En milieu d’après-midi, nous avons la chance de tous bien voir un couple d’Énicure tachetés Enicurus maculatus, de magnifiques oiseaux aux motifs noir et blanc complexes. Grâce aux habitants que l’on croise, on apprend qu’on peut rejoindre le village de Kaule en passant par la rivière, on découvre donc un nouveau chemin très charmant mais aussi plus escarpé, ce qui commence à fatiguer le groupe. On arrive finalement au village à la tombée de la nuit (17h30). On s’installe, le thé nous est servi, bien chaud et délicieux, avec des oranges locales. Ici les habitants produisent tout ce dont ils ont besoin : thé, sarrasin, maïs, pommes de terre, patates douces, haricots, scous (autrement dit chayotte) et autres légumes, avocats, oranges en quantité, citrons, ...les chèvres, poules, vaches sont aussi partout, aux abords des maisons en terre crue et toits de paille. Avec la rivière qui passe à côté, ce village a un charme fou, et les habitants sont accueillants au possible, avec un sourire énorme et toujours prêts à rire avec nous, et à nous rendre service. Pendant le dîner (un bon dal bhat bien sûr !), on discute sur la suite du programme. Le groupe étant bien fatigué ce soir, on se demande si on ne devrait pas ralentir un peu le rythme en restant un jour de plus ici, plutôt que de passer une nuit comme c’était prévu dans un autre village à Hattibang. Mais tout compte fait, tout le monde choisit de maintenir ce qui était prévu, et de simplement bien profiter de la journée du lendemain pour se reposer avant de repartir. On discute longuement ensuite avec notamment Rupen sur le phénomène écologique qui fait que les montagnes sont toujours des points chauds de la biodiversité, puis on discute des spécificités de la biodiversité ici dans les Chepang Hills. On se couche bien tard comparés à nos soirées à Chisapani (mais tout de même avant 22h).

Samedi 19 novembre 2022

Lever 6h15 pour un nouveau transect ce matin ! Le ptit déj est dépaysant : des pois chiche grillés ainsi que des graines de soja grillées avec des œufs durs, et un peu d’avocat, et le bon thé vert local. A 7h nous quittons le village en passant par un pont suspendu au-dessus de la rivière. Les rôles ont encore tourné pour ce nouveau transect. On observe magnifiquement bien des Garrulaxes à huppe blanche Garrulax leucolophus, dont on entend en général les chants rieurs au loin mais qu’on n’arrive en général pas à voir tant ils sont camouflés dans les buissons. Le transect est plus rapide aujourd’hui, et nous finissons dès 9h30. Le soleil nous réchauffe et on prend le temps d’une bonne pause pendant que Sylvain explique à Nils comment utiliser son appareil-photo afin qu’il puisse prendre le rôle du photographe dans le prochain transect. Les habitants des maisons à côté de nous viennent nous voir curieusement, et finissent pas s’amuser avec les jumelles de Rupen. On en profite pour demander le nom local d’un arbre dont on fait une nouvelle fiche de description. Il s’avérera après l’expédition, que cet arbre (Butea monosperma) est rare et particulièrement intéressant pour notre projet. Sur la redescente, on refait un protocole habitat et protocole de caractérisation de qualité de la forêt. De retour à 11h30 au village, on en profite pour prendre de bonnes douches (toujours au sceau et à l’eau froide) et faire nos lessives. Avec le beau soleil, c’est agréable et on se sent tout neufs ensuite ! Le pique-nique nous est ensuite servi : les assiettes sont magnifiques, avec des graines de soja grillées, des pop-corns (faits maison au feu de bois, bien meilleurs que ceux que l’on connaît), des patates douces bouillies et surtout une galette de sarrasin (qu’il appellent roti) délicieuse. L’après-midi se passe tranquillement en temps libre, pour que chacun puisse prendre son temps comme bon lui semble : balades dans le village, sieste, fin de lessive, écriture des carnets de voyage, lecture ...on arrive finalement vite à l’heure du Dal bhat. Cette fois nous avons aussi droit à de la polenta pour accompagner les légumes !

Dimanche 20 novembre 2022

Aujourd’hui, nous avons une courte marche à faire pour rejoindre le village d’Hattibang (2h si on y allait avec un bon rythme et sans pause). Pas de transect oiseaux, donc on se lève un peu plus tard. Il fait un soleil magnifique, les oiseaux sont du coup très actifs et l’on fait plein de belles observations (Torrentaires à calotte blanche Phoenicurus leucocephalus, Nymphée fuligineuse Phoenicurus fuliginosus, des Chélidorhynques à ventre jaune Chelidorhynx hypoxanthus...).
La journée est tellement claire que l’on voit au loin les montagnes de l’Himalaya (Annapurna 1, Annapurna sud, Machapuchare, Manaslu … ) et on s’extasie régulièrement dès que l’on a un beau point de vue dessus. Tout en marchant, nous faisons un transect habitat, qui consiste à noter le type d’habitat de part et d’autre de notre piste. On ne note que les points GPS lorsque l’habitat change d’un côté ou l’autre, si bien que c’est assez rapide à faire et que cela ne ralentit pas trop notre rythme de marche. Arrivés à un petit col, nous cherchons si nous pouvons acheter du papier-toilettes dans une petite cahute de bord de piste. Il n’y a pas de PQ mais des petites boules dorées qui nous attirent l’œil et on a envie d’essayer ce genre de beignets. Eh bien quelle surprise, ce ne sont pas du tout des beignets mais des coquilles croustillantes, qu’il faut ouvrir en 2, afin d’y mettre une petite sauce à base d’échalote, noodles sèches réduites en miettes, et autres épices. Il s’agit d’un met indien, appelé Panipuri. On regarde avec curiosité la vendeuse réaliser le mélange, on pourrait croire à une vraie potion magique de druide. Rupen est très content de nous faire découvrir, il anime la séance dégustation, et chacun à tour de rôle s’y essaye. C’est pas mal du tout ! Seules Céline et Bénilde préfèrent ne pas tenter, sentant qu’elles ont déjà l’estomac un peu tourmenté. Après cette pause rigolote, nous reprenons la rando et choisissons un peu plus loin un lieu de pique-nique au bord d’une belle rivière. Pendant la pause, certains se baladent les pieds dans l’eau, d’autres attrapent et étudient les papillons et d’autres se reposent. On repart ensuite pour le dernier petit kilomètre et arrivons au village d’Hattibang vers 14h30. Comme d’habitude, les habitants nous accueillent avec un thé, que l’on prend sur la terrasse de la maison. Le village est en hauteur et surplombe plusieurs versants de colline, la vue est superbe ! Après les douches, on choisit tous de visiter le village pour profiter des derniers rayons du soleil. Le spectacle du coucher de soleil avec les montagnes enneigées en arrière-plan nous ravit et on prend plein de photos ! Le soir, nous avons un dal bhat avec frites et poulet cette fois !


Extrait du journal de Nils
Nous quittons les forêts humides pour une ascension au soleil le long d’une piste en terre. Nous rencontrons en chemin quelques oiseaux, fidèles compagnons de route : martin pêcheur de Smyrne, mésange à joue jaune et minivet. Le déjeuner se tient en bordure de torrent, l’occasion de dégainer les filets à papillon. Ces derniers fendent l’air pour ramener quelques beaux spécimens entre nos doigts timides qui les laissent trop facilement échapper. Fin du trajet à Hattibang, grosse bourgade à flanc de colline, qui nous accueille pour la nuit. Ici, point de douche, mais du WIFI. On cherche à fuir la frénésie occidentale en partant vers des contrées lointaines, mais quel que soit le coin du globe, tous les enfants sont rivés à l’écran d’un smartphone. Vautré sur un canapé ou bien sur un tas de millet séché, les habitudes restent les mêmes et témoignent de la mondialisation galopante. La vue sur les montagnes enneigées depuis la terrasse est stupéfiante. Nous sommes sales, fatigués, parfois frigorifiés, mais cette région ne cesse de m’émerveiller. Je suis ravi d’être là. Notre logement me ramène à la réalité du terrain : une nouvelle nuit sur une planche de bois en perspective, sur le trajet d’un courant d’air froid et déterminé. Heureusement, la dégustation du dal bhat accompagné de frites et de poulet réchauffe les corps et les cœurs.

Lundi 21 novembre 2022

Petit déj à 6h, ce sera notre dernier transect oiseaux du séjour ! Au moment de quitter la famille qui nous a hébergés, ils nous offrent à chacun une fleur de marigold et nous marquent le front d’un tika rouge (une marque rouge réalisée avec de la poudre colorée, signe de bénédiction pour la journée). Notre transect suit un fond de vallon magnifique ! C’est la première fois que ce transect est réalisé dans le cadre du projet, et la première fois qu’on passe par là, et donc toutes les données seront intéressantes. Nous ne voyons pas beaucoup d’oiseaux, il fait peut-être un peu trop froid. Nous finissons le transect très tôt vers 9h30, au niveau d’un petit col avec une vue géniale sur les cultures en étage des versants de collines face à nous. Le brouillard remplit le fond des vallées, tandis qu’on distingue les belles montagnes enneigées de l’Himalaya, le panorama est formidable. Vient ensuite la montée au sommet le plus haut des Chepang, le Siraïchuli. Une petite demi-heure de montée raide et nous y voilà. Quelle chance que le temps soit si clair, nous offrant une vue panoramique sur la chaîne de l’Himalaya au loin, au-dessus d’une belle mer de nuages dans les fonds de vallées. Nous continuons par un sentier suivant des crêtes et nous offrant régulièrement des vues imprenables tout en passant dans des coins de forêts presque primaires. Rupen y trouve un piquant de porc-épic, que nous gardons afin de pouvoir identifier ce soir l’espèce avec notre guide des mammifères ! Après avoir rempli 2 nouvelles fiches de caractérisation, l’une pour un arbre et l’autre pour une plante, nous pique-niquons. Puis nous prenons doucement le chemin qui descend vers Kaule, avec certains passages en forêt dense et bien raides. On s’extasie à un moment devant de grands et vieux bambous duveteux. Peu avant l’arrivée, nous faisons une pause et testons le protocole d’estimation de la qualité de la forêt à distance, en essayant de répondre aux différents critères à l’aide des jumelles. Certains critères fonctionnent mais d’autres sont trop durs à estimer à cette distance (la présence d’épiphytes en abondance ainsi que la diversité des âges au sein d’une même espèce d’arbre). Qu’à cela ne tienne, on se dit qu’on pourra toujours utiliser ce protocole, mais en précisant qu’il a été fait à partir de seulement 5 critères évaluables sur les 7. Nous arrivons à Kaule à 15h, ce qui laisse au groupe largement le temps d’une bonne pause pour se reposer. Nous nous retrouvons pour le dal bhat : de nouveau des frites et du poulet ! Nous identifions le Porc-épic dont nous avons trouvé le piquant, il s’agit du Porc-épic de Malaisie Hystrix brachyura, qui est une espèce vulnérable en Asie. Et comme nous avons tous adoré le thé de ce village, chacun en achète un voire 2 ou 3 paquets d’environ 160g.


Extrait du journal de Nils
Après une nuit sans sommeil, ou presque, nous nous retrouvons pour un petit déjeuner avec vue panoramique sur le lever du soleil au-dessus des Chepang. Pour le dernier transect, j’endosse le rôle du photographe. Si les oiseaux restent désespérément invisibles, leurs cris nous entourent de toutes parts. Ils semblent rire de nos efforts vains à les apercevoir. Ma récolte d’image sera maigre, ces créatures farouches n’ont pas le vice exhibitionniste que les humains ont développé depuis l’invention d’Instagram. Le parcours nous conduit du fond d’un vallon frais et encaissé jusqu’au sommet ensoleillé du Siraichuli, le point culminant des Chepang Hills. De là-haut, la vue sur les chaînes de montagnes, des Annapurna au Manaslu, est époustouflante. Nous y sommes, au cœur de ces paysages grandioses que cette expédition ne promettait qu’à demi-mot, dont je n’osais rêver qu’avec parcimonie de peur qu’ils ne s’esquivent et trompent mes attentes. La suite de la randonnée ne sera qu’une succession de tableaux magnifiques, flancs de colline boisés ou fleuris, parsemés d’une mosaïque de cultures en terrasse, avec en toile de fond ces imposants sommets enneigés. L’un d’eux, le Machapuchare sacré, n’aurait jamais été gravi. Il resterait donc des hauteurs préservées des ambitions humaines et des quêtes de gloire. Cette idée me ravit.
La vue sur le pont suspendu qui nous ramène à Kauli ravive l’enthousiasme du groupe. Nous arrivons à destination avant la disparition du soleil derrière les crêtes, mission accomplie.

Mardi 22 novembre 2022

On se lève tôt parce que c’est plus agréable ainsi et que ça nous permettra d’arriver tôt et d’avoir le temps d’un bon repos ensuite. Aujourd’hui nous rentrons à Gadhi en passant par Chisapani donc la rando est plus longue que les jours précédents. Au petit déjeuner, nous découvrons le Kir, un genre de pudding sucré de riz cuit dans du lait de buffalo avec des copeaux de noix de coco. Puis c’est le moment des au revoir avec la famille qui nous a logés, et avec qui nous avons passé de chouettes moments. Cette fois nous avons droit à la fleur, mais à un double tika : jaune pour la bénédiction de la famille et recouvert de rouge pour celle des dieux. Avec ça, notre journée devrait être belle !
Dès les premières minutes de marche, nous avons l’occasion de voir de chouettes oiseaux dont le Cratérope du Népal Turdoides nipalensis, endémique du Népal et la Pirolle verte Cissa chinensis (uniquement entendu pour la plupart d’entre nous). Nous arrivons dès 11h à Chisapani. Sylvain et Catherine vont récupérer le piège-photo placé à la source des chèvres de montagne tandis que le reste du groupe va chercher celui placé en bout de clairière. On se retrouve tous pour le pique-nique sur le point de vue, au niveau de la crête de Chisapani. Au passage, nos pique-niques n’ont pas cessé d’être originaux ces derniers jours. Ce midi, nous avons droit à des patates douces bouillies, des graines de soja grillées et des « sal roti », c’est à dire des beignets frits en forme d’anneau. Après une petite pause sieste/temps calme, on repart pour la descente vers Gadhi. En chemin, on s’arrête pour faire un nouveau protocole habitat ainsi qu’un test d’une nouvelle version améliorée pour caractériser la qualité de la forêt, et qui rend mieux compte des difficultés de terrain. A force de tester ce protocole, et d’en discuter, on a fini par avoir des idées pour le rendre plus pertinent encore. On réalise aussi une fiche descriptive d’un arbre que l’on avait déjà appris à reconnaître mais dont nous n’avions pas encore de fiche. De retour à Gadhi vers 15h, nous voilà tous bien contents de retrouver le charmant « cottage ». Pendant le thé, on se rassemble autour de l’ordinateur pour visionner tous les films enregistrés par les pièges-photos. On fait vite le tri, car les vaches ont déclenché de nombreux films en journée et occupent les 2/3 des enregistrements. Nous retrouvons notre grande Civette de l’Inde ainsi que notre Chat léopard de nouveau. La Grande Civette est repassée là très régulièrement si bien qu’on en a une dizaine de films. Il faut dire qu’on avait intentionnellement laissé notre compost dans le champs de vision de la caméra, pour nous donner plus de chance d’avoir de la visite. Et apparemment la Civette s’en est régalée ! Le chat léopard n’apparaît que sur 2 films différents. Mais pas d’autre animal. Et sur le piège-photo placé à la source des chèvres, rien de rien. Dommage, mais il ne faudra pas abandonner si vite, car cet endroit, en période où la source est plus abondante (là on ne voyait qu’une vague flaque humide au sol), doit forcément être idéal pour la pause d’un piège-photos. Pendant la pause, c’est le grand luxe car on a demandé un grand sceau d’eau bouillante, afin de pouvoir se laver à l’eau chaude. Le dernier dal bhat est servi, et il est particulièrement délicieux. On a proposé aux habitants du village de venir nous rejoindre après le dîner pour qu’on puisse leur montrer un peu ce que l’on fait, et leur projeter les vidéos enregistrées par les pièges-photos. Ils sont une dizaine à venir, et on leur projette plusieurs photos d’arbres et oiseaux, ainsi que le film qui présente notre séjour (réalisé à partir des images des expéditions précédentes) et bien sûr les vidéos des pièges. On en profite pour leur poser plein de questions, est-ce qu’ils ont déjà vu ces animaux, est-ce qu’ils connaissent le nom de tel arbre qu’on ne connaît pas encore … L’enthousiasme des locaux à participer et être inclus dans nos réflexions est génial. Tout le monde repart de bonne humeur et ravi, et nous, on a récupéré plein de petites informations, c’était un bel échange.


Mercredi 23 novembre 2022

C’est notre dernier petit déj dans les Chepang Hills car nous rentrons aujourd’hui à Chitwan. Après les au revoirs, nous voilà partis en direction du village de Garibari, en bas des Chepang, par un nouvel itinéraire que nous n’avons pas encore fait dans le cadre des expéditions précédentes. Nous démarrons donc un transect habitat sur le chemin. Comme nous avons du temps devant nous et qu’il fait beau, on fait quelques pauses pour rechercher les papillons au filet et les identifier. Après le pique-nique, nous testons de nouveau le protocole habitat de loin aux jumelles. Cette fois nous concluons que c’est un peu compliqué, surtout parce que nous sommes redescendus en altitude et qu’on ne connaît plus suffisamment bien les arbres dominants à cet étage là. Nous arrivons dès 14h à GariBari, où nous faisons nos au-revoirs aux porteurs, qui nous auront bien aidé tout du long. Ils sont ravis d’avoir pu nous rendre service et nous leur en sommes très reconnaissants ! Une jeep nous attend là et nous voilà tous en route vers Chitwan. Les porteurs descendent un peu plus loin car ils en profitent pour visiter de la famille, puis c’est au tour de Rupen. Nous arrivons au Chitwan Gaïda lodge vers 14h40. Autour d’un thé et de fruits, nous racontons notre expédition à Tika. On lui fait écouter certains de nos enregistrements sonores, ce qui nous permet de confirmer des données encore incertaines. Tout le monde fait une grosse pause et temps libre, le plaisir d’une vraie douche bien chaude, le retour au confort, la sieste … On se retrouve tous pour le dîner pendant lequel on fait une synthèse sur une carte topo de tout l’itinéraire que nous avons fait sur nos 10 jours d’expédition.

Jeudi 24 novembre 2022

Ce matin nous apprécions le petit déjeuner au soleil dans la cour du jardin de l’hôtel. Un minibus privé vient nous chercher vers 10h pour nous amener à Bhaktapur, où nous passerons les derniers jours avant les retours en avion. Le trajet est bien long, en partie parce qu’il y a des embouteillages vers la fin. Si bien que nous n’arrivons qu’à 16h20 (on a tout de même pris le temps du déjeuner sur la route, sur une terrasse bien agréable avec un buffet chouette). Après installation dans l’hôtel, on ressort pour prendre un thé, et puis, après quelques courses de souvenirs, on dîne au restaurant. C’est l’occasion de goûter le fameux « Royal Curd », un yaourt qui ne se fait qu’à Bhaktapur, une spécialité locale et délicieusement onctueux.

Vendredi 25 novembre 2022

Après un petit déjeuner de pancakes, nous avons temps libre pour visiter et faire les derniers achats de souvenirs. On se retrouve tous pour le déjeuner, pendant lequel nous commençons à réfléchir à une clé des arbres des Chepang Hills, qui répertorierait tous les nouveaux arbres que l’on a décrit pendant l’expédition en plus des précédents. Nous nous régalons aussi de smoothies et lassis. Puis nous venons à la rencontre de Roshen, un guide népalais qui nous fait faire le tour du centre-ville de Bhaktapur tout en nous expliquant l’origine des multiples temples et l’histoire de la ville et de la culture. C’est super intéressant et on ne voit pas le temps passer. On se quitte au final près de 3h plus tard. Après un rapide retour à l’hôtel et une petite pause, nous repartons en direction du restaurant, pour s’installer dans le jardin et continuer de bosser sur la clé des arbres autour d’un apéro. Puis c’est le dîner de fête car c’est notre dernier tous réunis. Bénilde nous quitte vers 21h30 pour rejoindre l’aéroport, on lui souhaite un bon retour et du courage pour la reprise du travail dès le lundi qui suit.

Samedi 26 novembre 2022

Après le petit déjeuner, nous nous remettons au travail pour finaliser la clé des arbres des Chepang. On s’installe sur la terrasse de l’hôtel, très agréable au soleil et avec une belle vue sur la ville. Sylvain et Céline travaillent sur une partie de la clé tandis que Nils, Mathilde et Catherine s’occupent de l’autre partie. On finalise tout ce qu’on voulait dans les temps, juste au bon moment pour aller chercher nos sacs et retrouver le taxi qui nous attend pour emmener Céline à l’aéroport et déposer le reste du groupe à Kathmandou. Ainsi se termine cette 3e expédition, qui aura été une belle aventure partagée, et très fructueuse scientifiquement parlant.

Extrait du journal de Nils
Dernière matinée à Bhaktapur, le temps de finaliser l’ébauche d’une clé d’identification des espèces végétales nouvellement étudiées dans les Chepang. Une sorte de conclusion à cette mission de terrain, avec la satisfaction de savoir que le travail réalisé avec nos maigres connaissances en botanique, mais un enthousiasme et une motivation sincères, trouvera son utilité lors de la prochaine expédition. Pas à pas, chacune apporte un petit pavé à la route qui conduit vers une meilleure compréhension de cette région belle et fragile, encore préservée, mais en sursis. Et retire peut-être un pavé à celle qui la menace. Quant aux oiseaux, pas d’espèce inconnue recensée, mais une foule de données collectée pour IBEX Népal, et une extraordinaire initiation à l’ornithologie pour nous. Espérons que les prochains joueront de plus de chance avec le timide Garrulax à ailes rouges.
Retour à Katmandou, à notre point de départ : la Yellow House. La boucle est bouclée, la mission bel et bien terminée. Le moment est venu de dire au revoir à nos deux sympathiques naturalistes avec qui nous avons partagé une aventure rare et précieuse. Nous laissons donc Sylvain et Cathie à leur inventaire et nous enfonçons dans les rues de Thamel pour retrouver notre hôtel, l’eau chaude et un peu de repos.

Petit bilan scientifique

Côté étude des oiseaux, l’expédition nous aura permis de réaliser 5 protocoles (transects) dont 1 nouveau (celui de Hattibang à Siraïchuli). L’ensemble des enregistrements sonores ne sont pas encore tous analysés, mais nous avons d’ores et déjà identifié 14 nouvelles espèces d’oiseaux encore non recensées dans le cadre de nos expéditions, ce qui aboutit à une liste de 122 espèces pour notre secteur d’étude.
Parmi celles-ci, 6 sont sur la liste rouge nationale et une sur la liste rouge mondiale.
Une belle innovation cette année, c’est bien sûr la pause de 2 enregistreurs audio automatiques, qui nous aideront à accélérer l’étude de la diversité des espèces d’oiseaux présente dans le vallon de Chisapani, et sûrement d’identifier les cris et chants du Garrulaxe à ailes rouges, ce qui constituera alors une donnée scientifique géolocalisée importante pour la suite du projet.
Côté mammifères, nous avons récolté pas mal de données très intéressantes. Les pièges-photos nous ont permis d’identifier une nouvelle espèce, le Chat léopard, espèce vulnérable sur la liste rouge du Népal. D’autres indices nous on permis de recenser 3 autres nouvelles espèces : le Porc-épic de Malaisie, le Chacal doré et surtout le Goral de l’Himalaya (appelée chèvre de montagne par les locaux), également une espèce sur liste rouge !
Mais c’est surtout sur la botanique et la caractérisation de la qualité de l’habitat forestier qu’on aura fait le plus de progrès. Nous avons maintenant décrit et caractérisé 44 arbres et arbustes pour notre guide d’identification des plantes des Chepang Hill, et avons établi une liste de près de 100 espèces de plantes, ce qui nous permet d’établir des protocoles habitats de plus en plus précis avec une bonne connaissance des espèces dominantes. La clé d’identification réalisée en fin de séjour permettra aux futurs participants d’identifier par eux-même les espèces. Nous espérons aussi que cela profitera à tous les curieux de botanique, car nous espérons bien que notre guide finisse par être suffisamment peaufiné pour être publié au grand public.
Coté découvertes botaniques, l’espèce Butea monosperma identifiée après-coup grâce à la fiche de description remplie, est particulièrement intéressante car il s’agit d’un arbre rare et protégé au Népal. De plus, la présence de fougères arborescentes du genre Cyathea (auxquelles nous avons porté une attention particulière pendant cette expédition) se révèle aussi être un argument important pour pointer la richesse de la forêt, car elles n’étaient pas encore connues dans cette zone du Népal des spécialistes qui les étudient au Népal. Or, ces fougères arborescentes sont rares dans le pays, les spécimens dans tout le centre du Népal se comptant en dizaines (!) d’individus connus seulement !!!
Enfin, les divers tests de protocole permettant d’estimer la qualité de la forêt nous ont permis d’obtenir une version finale satisfaisante pour continuer de cartographier les Chepang Hills et pouvoir indiquer où se trouvent les zones de forêts les plus préservées. Nous avons aussi pu explorer de nouvelles zones des Chepang (passage par Hattibang et redescente alternative vers Garibari le dernier jour), si bien que nous avons pu réaliser 2 nouveaux transects habitat. Cela permet aussi pour la suite des expéditions de jouer sur beaucoup d’itinéraires possibles en fonction du groupe, du temps que l’on a sur place, de la météo etc.
Toutes les observations réalisées pendant le séjour peuvent être visualisées en cliquant ci-dessous :

Liste des observations

Et la liste d’espèces peut être consultée ici :

Liste d’espèces

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